Annonce des lauréats du premier appel à projet du Health Data Hub

Monsieur le président du jury, cher Bernard NORDLINGER,

Monsieur le directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), cher Jean-Marc AUBERT

Mesdames et messieurs les directeurs d’administration centrale,

Mesdames et messieurs les porteurs de projets

Mesdames et messieurs,

Merci Monsieur le Président pour ces résultats et permettez-moi de remercier à travers vous l’ensemble des membres du jury d’avoir accepté de participer à cet appel d’offre et d‘avoir consacré du temps à l’examen des projets.

Mesdames et Messieurs,

Avant toute chose, je tiens à saluer le grand nombre de projets candidats  près de 200 propositions reçues par mes services , leur variété et leur très grande qualité.

Ce succès illustre tout l’intérêt du Health Data Hub et les très grandes attentes qu’il a suscitées.

Il y a un an, la création de ce Hub a été annoncée par le Président de la République pour faire de la France un des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé.

L’intelligence artificielle en santé est aujourd’hui confrontée non pas au défi de la sécurité, qui est déjà relevé, mais au défi de la confiance, qu’il nous faut gagner auprès des Français.

Et cette confiance des Français ne peut se gagner qu’au prix d’une seule exigence : celle de ne pas dissocier l’intelligence artificielle d’une relation humaine avec le patient.

Ce point est essentiel pour notre système de santé et pour les patients.

Les usages des données de santé combinés aux méthodes d’analyse les plus avancées sont multiples et devraient transformer dans le prochain quart de siècle la médecine et notre système de santé.

Je ne me livre ici ni à des spéculations hasardeuses ni à un exercice de futurologie.

Parce que dès à présent, c’est-à-dire ici et maintenant, nous disposons d’algorithmes qui permettent de lire des images médicales de manière plus précise que l’œil humain.

De même, des travaux importants sont menés pour extraire les données les plus importantes de compte rendus médicaux, pour faciliter le travail de coordination ou pour prévenir des effets secondaires de produits ou des réhospitalisations.

Des modèles prédictifs permettent aujourd’hui d’améliorer le fonctionnement des urgences, tant en prévoyant mieux les flux de patients qu’en fournissant des outils d’aide au diagnostic rapide qui peuvent améliorer les procédures actuelles.

Nous voyons aussi, dans certains pays, des algorithmes d’intelligence artificiels qui permettent de prévenir la réalisation d’actes peu pertinents en alertant les professionnels à travers leur logiciel médical.

Voilà donc où nous en sommes, avec des outils de plus en plus précis qui permettent d’améliorer l’accompagnement des patients, notamment atteints de pathologies chroniques, pour qu’ils puissent mieux être acteurs de leur traitement.

Avec les innovations technologiques, la multiplication de l’usage d’outils numériques et de dispositifs connectés, ainsi que l’essor de l’intelligence artificielle, ces usages vont se démultiplier pour venir investir l’ensemble des composantes du système de santé.

Votre mobilisation massive me permet de mesurer l’ampleur de votre volonté d’avancer… mais l’ampleur aussi de vos attentes. Et ces attentes sont grandes je le sais.

J’ai bien conscience des freins à lever. La centaine d’auditions menées dans le cadre des travaux de préfiguration du Health Data Hub les ont clairement mises en évidence.

Le patrimoine de données de santé reste aujourd’hui peu lisible et mal identifié, les moyens pour le consolider sont considérés comme inadaptés, tout comme les outils d’analyse aujourd’hui disponibles pour le valoriser. Le partage n’est pas favorisé et il n’est pas correctement rétribué.

Et c’est précisément parce que la France dispose d’atouts considérables que ces freins sont inacceptables en 2019 : nous sommes réputés pour notre excellence en recherche médicale, en mathématiques appliquées, et nous avons des bases de données d’une grande richesse.

Je parle, bien sûr, des données du Système National des Données de Santé, qui regroupent l’ensemble des données de l’Assurance Maladie portant sur la totalité de la population française, ce qui en fait un outil de recherche quasiment sans précédent à l’échelle internationale.

Mais je pense aussi aux initiatives des établissements hospitaliers qui organisent leurs entrepôts ; aux sociétés savantes qui envisagent le rassemblement, la structuration et la réutilisation de leurs registres ou autres bases de données ; aux associations de patients enfin, qui investissent pour collecter des données auprès des patients pour étayer l’impact sur leur qualité de vie de telle ou telle stratégie thérapeutique.

Si nous ne parvenons pas à lever les verrous à l’usage de ces données, les conséquences seront subies par l’ensemble des acteurs, à commencer par le patient.

La sous-utilisation de ces données pourrait entraîner une perte de chance et cette perte de chance marquerait une défaite collective.

Certes, il sera parfois possible de bénéficier d’innovations élaborées à partir des données étrangères par des acteurs étrangers. Mais au-delà des biais potentiels dans les données, si nous n’avons pas développé la compétence, nous ne serons pas en mesure d’évaluer la pertinence des solutions qui nous seront imposées par les marchés plus dynamiques que le nôtre. C’est un enjeu de souveraineté et d’indépendance : nous ne devons pas subir le rythme imposé par d’autres.

Pour le tissu industriel français, comme pour les promoteurs de données, le manque à gagner pourrait être significatifs. Les start-up de l’IA en santé, souvent financées par la BPI, sont contraintes aujourd’hui de se « sourcer » en données à l’étranger, finançant par la même occasion la collecte et la mise en qualité de données étrangères.

Cette situation n’est pas acceptable quand on sait que notre patrimoine exceptionnel nécessite d’importantes ressources pour être maintenu. Au-delà de ces aspects, la multiplicité des cas d’usage en IA en santé pourrait être à l’origine d’un écosystème dynamique et fortement générateur d’emplois si l’on parvenait à développer une réelle attractivité.

Le premier frein à lever, c’est un frein culturel. Il faut avoir à l’esprit que le partage des bases de données est indispensable pour permettre à notre pays de ne pas être en retard sur ses voisins. Les bases de données doivent pouvoir être appariées. De nombreuses équipes doivent pouvoir les utiliser. Cet usage est légitime car c’est le plus souvent de l’argent public qui a permis de les financer. L’ouverture des données dans d’autres domaines scientifiques, et je pense en particulier l’astronomie, ont permis par exemple de multiplier le nombre de recherches.

Les autres freins sont administratifs et financiers.

Je réaffirme donc aujourd’hui l’ambition qui est la mienne avec le Health Data Hub : cette ambition, c’est de mettre rapidement au service du plus grand nombre ce patrimoine de données de santé, dans le respect de l’éthique et des droits fondamentaux des citoyens.

Le Health Data Hub doit vous aider pour réaliser les procédures administratives mais aussi vous apporter les outils technologiques nécessaires.

L’élan qu’a donné le président de la République ne doit pas retomber. Au-delà de cet appel à projet, il est important que le calendrier présenté en octobre soit respecté.

Dans le prolongement de la loi sur l’organisation et la transformation du système de santé, qui est en cours d’examen devant le Parlement, je souhaite que le Hub soit définitivement créé avant le 31 octobre et que nous puissions disposer des premiers résultats des projets menés avant la fin de l’année.

J’attends donc beaucoup des projets sélectionnés. A l’issue de cette phase d’expérimentation, c’est à destination de toute la communauté que le Health Data Hub devra apporter ses services. C’est donc grâce à ces collaborations, que j’espère fructueuses, que nous serons collectivement capables d’adresser nombre de cas d’usages en 2020.

Cette sélection illustre pleinement la richesse et le potentiel de notre patrimoine de données, à travers des cas d’usages innovants, concrets et prometteurs.

Elle est aussi le fruit d’une mobilisation de l’ensemble des acteurs de notre système de santé : les établissements de santé ont logiquement répondu à l’appel, CHU et centres de lutte contre le cancer.

Les organismes de recherche sont aussi présents avec l’Inserm. Beaucoup de projets ont été déposés par des agences et je me réjouis d’en voir plusieurs retenus : l’ANSM, Santé Publique France et l’ARS Ile-de-France seront donc parmi les premiers partenaires du Health Data Hub, et toutes les agences auront vocation à le devenir. Les acteurs privés ne sont pas en reste, avec des structures reflétant la diversité de l’écosystème, de l’entreprise durablement installée à la start-up.

Je vois aussi une belle diversité dans les thématiques abordées. Les pathologies visées sont stratégiques, que ce soit le Sarcome, l’AVC, l’infarctus du myocarde ou encore la maladie de Parkinson.

Des projets de recherche très solides sur le plan scientifique ont été sélectionnés, et tout en même temps des projets retenus ont pour ambition de développer des outils pour améliorer la pratique.

Je suis heureuse de voir aussi des projets volontairement tournés vers une amélioration du pilotage du système de santé par les données, avec une meilleure gestion des signalements, une amélioration de la surveillance, et la possibilité de calculer plus finement les restes à charge.

Beaucoup de projets font appel à des techniques d’intelligence artificielle. Ces techniques sont nécessaires pour analyser certains types de données désormais accessibles en masse, et je pense notamment aux données associées aux mammographies ou aux signaux de pacemaker, qui sont des cas d’école typiques. Le Heath data hub est aussi un outil technologique qui doit faire émerger des usages innovants des données, tant du point de vue des finalités que des techniques mobilisées.

J’observe enfin que nombre de ces projets visent à enrichir des données cliniques avec les données du système national des données de santé.

Ces données sont d’un intérêt considérable parce qu’elles permettent de replacer un événement au sein d’un parcours.

Mais surtout, et je voudrais insister sur ce point, tous les projets sélectionnés ont accepté sans réserve le partage de données, publiques ou même privées, pour venir enrichir la plateforme du Health Data Hub et permettre des avancées significatives de la recherche.

Je voudrais insister surdes cohortes de recherche d’une grande valeur, comme la cohorte NS-Park avec plus de 20 000 patients parkinsoniens, des registres sur l’AVC, sur la prise en charge par les SMUR, des données de complémentaire santé, ou encore la base de la FEDORU, pour analyser les prises en charge dans les services d’urgence, pour n’en citer que quelques-unes.

J’attends la même mobilisation de tous les acteurs qui produisent des bases de données d’une grande valeur, parfois exhaustives à l’échelle du pays. Ces bases doivent absolument être bien plus utilisées, et le positionnement des porteurs de projet sélectionnés ce soir prouve bien que ce principe est le seul acceptable.

J’attends l’entière coopération de tous pour partager les bases financées par de l’argent public. Je sais pouvoir compter sur vous tous ici réunis pour porter le même message.


Mesdames et messieurs,

Si l’exercice n’a, je le sais, pas été simple pour le jury, je sais aussi que tous les projets sélectionnés sont significatifs de la façon dont nous voulons mettre l’intelligence artificielle au service de la santé de nos concitoyens. Je suis heureuse de les dévoiler aujourd’hui aux côtés de Cédric O, le nouveau secrétaire d’Etat au numérique de notre gouvernement.

Nous ne voulons pas simplement « faire modernes », nous voulons « être modernes ». Et être moderne, c’est libérer l’intelligence sous toutes ses formes quand elle peut améliorer le quotidien des Français.

Aujourd’hui, le défi n’est pas celui de la technique, mais celui de la vision.

Et je crois que ce soir, ensemble, avec ces beaux projets, nous avons tout ce qu’il faut pour avancer ensemble dans la clarté et mener à bien un grand projet collectif, un grand projet de société.

Je vous remercie.

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