Discours de Christelle DUBOS – Signature Convention Restos du coeur

Discours de Christelle Dubos

Signature Convention Restos du cœur

14 juin 2019

Seul le prononcé fait foi

Madame la présidente de la Commission des affaires sociales, chère Brigitte,

Monsieur le président des Restos du cœur, cher Patrice Blanc,

Mesdames et messieurs les directeurs et représentants des caisses de sécurité sociale,

Mesdames, messieurs,

Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui, pour signer avec les Restos du cœur une convention qui répond à un enjeu de grande envergure.

Cet enjeu, vous le connaissez tous, c’est celui du non-recours aux droits, qui mine littéralement l’efficacité de notre protection sociale et qui doit tous nous mobiliser.

Parce que le combat contre le non-recours, c’est un combat pour une protection sociale effective, et donc, efficace. Il en va de la réalité des droits et donc de la force de notre engagement en faveur de la justice sociale.

Et le chemin est encore long quand on regarde les chiffres. Je n’en citerai quelques-uns :
- 26% des Français déclarent avoir déjà renoncé à un soin pour des raisons financières ;

- le taux de non-recours est de 30% pour la CMU-c et entre 5°% et 65% pour l’ACS ;

- ce sont plus de 3 millions de personnes qui renoncent aux dispositifs d’aide à l’accès aux soins dans notre pays ;

- et, même si les données dont nous disposons sont parcellaires, près de 35% des personnes qui y auraient droit ne font pas de demande de RSA.

Le non-recours a des causes multiples, il a des causes nombreuses : c’est le manque d’information sur les dispositifs, la trop grande complexité des démarches, ou encore un discours nauséabond sur l’assistanat, qui culpabilise et stigmatise toujours plus les plus fragiles.

On peut évidemment le déplorer et même s’en indigner. Mon choix, avec Agnès Buzyn, c’est d’agir, par plusieurs biais.

Nous agissons sur les dispositifs eux-mêmes.

C’est tout le sens du 100% santé ou de la fusion de la CMU-c et de l’ACS, qui permettra d’améliorer le panier de soins couvert, d’encadrer le niveau de participation financière et de simplifier les démarches à effectuer pour les personnes actuellement éligibles à l’ACS.

Dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous avons bien entendu engagé un vaste chantier de la modernisation de la délivrance des prestations sociales.

Nous avons plusieurs objectifs extrêmement concrets :

- d’abord, permettre de calculer les prestations à partir des ressources les plus récentes des personnes – c’est tout le sens de la modernisation du calcul des aides au logement ;

- ensuite, favoriser les échanges d’informations entre organismes de la sphère sociale et de la sphère fiscale, pour alléger au maximum les déclarations des bénéficiaires ;
- enfin, à terme, avoir une seule déclaration pour un maximum de prestations, en cohérence avec l’objectif du « dites-le nous une fois ».

Ce chantier, très ambitieux sur le plan des systèmes et des flux d’informations, nous le mènerons à terme avant fin 2020.

Il s’articulera avec plusieurs autres dispositifs complémentaires, car aucun moyen ne doit être négligé et tous les besoins doivent être pris en compte.

Y compris et sans doute d’abord ceux de nos concitoyens qui ne souhaitent ou ne peuvent effectuer toutes leurs démarches en ligne.

C’est tout le sens des recommandations du dernier rapport du Défenseur des droits, que vous connaissez sans doute. Le numérique n’est pas la solution à tout.

C’est pourquoi nous déployons, dans le cadre de la stratégie pauvreté, des dispositifs qui ont fonctionné, qui ont fait leurs preuves.

Je pense en particulier aux « rendez-vous des droits » des caisses d’allocations familiales. Ce sont des rendez-vous individuels, pendant lesquels les personnels des CAF prennent le temps de faire le tour des droits des foyers.

Et nous n’allons pas nous arrêter là sur le chemin qui nous permettra d’aller encore plus loin dans la simplification et l’accès aux droits.

Le Président de la République a annoncé la création d’un revenu universel d’activité sous conditions de ressources, fusionnant le plus grand nombre possible de prestations, par une loi qui sera votée en 2020.

Vous le savez, une vaste concertation citoyenne a été lancée il y a quelques jours sur ce sujet. Elle doit nous permettre de trouver les conditions qui permettront à cette future prestation d’être réellement plus simple, plus lisible, plus efficace.

C’est un chantier délicat, très sensible. Un chantier sur lequel nous ferons preuve de la plus grande des précautions. Agnès Buzyn m’en a confié la tâche et je mesure ma responsabilité.

Le non-recours aux droits, nous en parlons depuis longtemps. Cela ne veut pas dire que nous ne progressons pas.

Il faut que nous regardions les progrès qui sont faits : la revalorisation de la prime d’activité a entraîné un recours absolument massif, inédit, à la prestation fortement augmentée.

Près de 1,5 millions de demandes ont été formulées auprès des CAF. Nous devons nous en réjouir : cela veut dire que le message a été entendu par les Français.

Je parle beaucoup de notre action et les efforts vont encore être démultipliés puisque.

Mais dans ce combat pour des droits sociaux réels, le ministère des solidarités et de la santé n’est évidemment pas seul. Il n’est d’ailleurs pas toujours en première ligne sur le terrain.

Les associations sont des partenaires précieux et incontournables.

Parmi ces associations, les Restos du cœur occupent une place de premier plan.

Et permettez-moi pour commencer de vous apporter mon soutien et de condamner avec la plus grande fermeté le saccage et le vol dont a été victime votre antenne toulonnaise.

Chacun connaît votre histoire, chacun connaît votre engagement et les Français sont attachés aux Restos du cœur.

Les Restos du cœur, c’est un maillage territorial exceptionnel, c’est un lien de confiance extrêmement précieux avec les personnes.

C’est une qualité d’intervention exceptionnelle pour les accompagner dans leurs parcours personnels et même professionnels, au-delà de la seule aide alimentaire.

Car on le sait encore assez peu, même si je vous félicite pour la campagne de publicité qui valorisait vos services « hors-alimentaire », mais ce temps d’accueil et d’accompagnement que vous consacrez, il est essentiel.

Il permet de repérer les difficultés, les non-recours ou le non accès aux droits, mais aussi de délivrer les premières informations, d’orienter vers les organismes compétents ; de soutenir dans les démarches et d’effectuer un suivi.

En ce sens, vous jouez un rôle déterminant de relai entre les personnes en difficulté et les acteurs de la sphère sociale : accueil du public, identification des besoins, information et orientation vers les interlocuteurs adéquats.

Beaucoup vous voient comme le dernier filet de sécurité, mais je crois aussi que vous pouvez être le premier point d’entrée dans une démarche d’insertion sociale et professionnelle. Un point d’entrée dans un système d’accompagnement que nous avons l’ambition de rendre plus dense, plus efficace et plus humain.

Alors pour promouvoir la coopération entre les Restos du cœur et les caisses locales de sécurité sociale, la convention que nous présentons aujourd’hui est un format intelligent, parce que c’est un format souple et efficace, qui doit favoriser les partenariats locaux partout sur le territoire.

Votre action est déjà fondée en partie sur des partenariats locaux : 41 associations départementales sont en relations partenariales avec des caisses de sécurité sociale, notamment des caisses primaires d’assurance maladie, mais également des caisses d’allocations familiales, des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, ainsi que des caisses locales de mutualité sociale agricole.

Alors vous allez me dire : à quoi bon formaliser ce qui existe déjà ?

Eh bien cette convention, je l’ai dit, elle doit nous permettre d’aller encore plus loin, en renforçant les liens qui nous unissent déjà à l’échelon local, en les inscrivant dans un cadre national global pour favoriser l’essaimage des meilleures pratiques.

Avec cette convention :

• Les caisses nationales de sécurité sociale redoubleront d’efforts pour que des conventions de partenariat soient signées au niveau local ;

• Les organismes de sécurité sociale pourront organiser des sessions d’information, à destination des bénévoles, sur les droits et devoirs des assurés, sur les outils et sur les lieux vers lesquels orienter ;

• Pour ce faire, elles pourront mettre en place des supports d’information « clé en main » ou des modules de formation à destination des bénévoles et des salariés de l’association, pour leur permettre d’accompagner aux mieux les publics accueillis.

La convention définit un cadre souple pour les conventions locales, en dessinant les grands domaines de coopération, tout en laissant toute leur place aux initiatives locales, pour tenir compte des besoins et des attentes des partenaires dans chaque territoire.

A cet égard, notre esprit et notre méthode sont les mêmes que dans la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, avec un Etat fort qui impulse des dynamiques, qui donne un cap, et des territoires qui font valoir leurs priorités au regard l’expérience vécue.

Permettez-moi de mentionner les points sur lesquels il m’apparaît particulièrement utile que vous soyez en première ligne.

Vous avez un rôle immense à jouer, en vous investissant dans l’accompagnement des personnes quand elles doivent effectuer des démarches en ligne.

On parle souvent de fracture numérique – je l’évoquais à l’instant avec le rapport du Défenseur des droits : la première des fractures numériques, c’est celle qui met hors-jeu tous ceux qui ne savent pas utiliser les outils informatiques.

Votre rôle est aussi essentiel dans l’information sur l’existence des dispositifs d’aide à l’accès aux droits et aux soins des caisses nationales de sécurité sociale, notamment auprès des publics en risque de rupture de droits ou n’accédant pas à tous leurs droits.

Dans ce cadre, la convention prévoit la désignation d’un interlocuteur référent pour l’association dans chaque caisse locale de sécurité sociale et inversement.

Ces interlocuteurs permettront de fluidifier les échanges, en facilitant l’obtention des informations sur les dispositifs et prestations sociales nécessaires pour la bonne orientation des personnes.

Enfin, un suivi partenarial sera instauré, permettant de mettre en lumière les apports de cette convention, grâce au bilan annuel établi par l’Association nationale des Restos du cœur, ainsi que les meilleures pratiques.

Dans le cadre de ce bilan annuel, je compte aussi sur vous pour nous faire « remonter » les besoins du terrain, les situations particulières rencontrées par vos bénéficiaires et les pistes qui pourraient être envisagées pour trouver des solutions. Nous avons besoin de vous pour améliorer toujours notre façon de répondre au public.

Mesdames et messieurs,

Je suis heureuse et très fière de signer cette convention avec vous aujourd’hui et je ne doute pas que d’autres associations auront la bonne idée de vous imiter, je les y invite !

Parce qu’avec un outil comme celui-là, nous faisons mieux qu’avancer, nous faisons comme dans l’une des dernières chansons des Enfoirés : « ensemble, on trace ».

Je vous remercie.

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