Discours – Agnès BUZYN – 2èmes rencontres nationales CNSA / départements

Discours – Agnès BUZYN – 2èmes rencontres nationales CNSA / départements

Seul le prononcé fait foi

Intervention d’Agnès BUYZN

Seul le prononcé fait foi

2èmes rencontres nationales CNSA / départements

Intervention d’Agnès BUYZN

Madame la ministre, chère Marie-Anne MONTCHAMP,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les présidents et vice-présidents de conseil départemental,

Mesdames et messieurs les présidents des directeurs généraux d’agences régionales de santé et leurs représentants,

Mesdames et messieurs les représentants des associations et fédérations,

Mesdames et messieurs,

Je suis très heureuse d’être présente pour cette deuxième édition des rencontres nationales entre la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et les départements.

Cette journée est devenue un véritable rendez-vous pour tous les responsables de l’autonomie partout en France, grâce à la détermination sans faille de la CNSA et de sa présidente, que je salue tout particulièrement.

83 conseils départementaux et 10 agences régionales de santé sont représentés aujourd’hui. Cette participation extrêmement forte montre bien, s’il en était besoin, à quel point la question de la coopération entre acteurs pour faire réussir les politiques d’autonomie est au cœur des préoccupations de toutes et de tous.

Elle est au cœur de mes propres préoccupations de ministre en charge des questions liées au grand âge. Je ne pouvais donc pas ne pas être présente aujourd’hui.

1. D’abord, pour évoquer les choix politiques que nous allons devoir faire pour répondre aux attentes de nos aînés.

Je crois que la concertation sur le grand âge et l’autonomie, dont les résultats m’ont été remis au printemps par Dominique LIBAULT, nous a fait passer un cap.

Elle nous a permis de mesurer à quel point les attentes des Français étaient fortes, pour aujourd’hui mais aussi pour le long terme.

Elle nous a aussi permis de mieux comprendre les directions concrètes dans lesquelles il nous fallait poursuivre l’effort. Nous savons désormais où nous devons aller.

Avant de revenir sur les objectifs, je voudrais vous faire partager quelques réflexions sur la révolution qui s’annonce.

Les chiffres, vous les connaissez. En 2050, près de 5 millions de Français auront plus de 85 ans.

Certains d’entre vous m’ont peut-être déjà entendue dresser un parallèle entre ce mouvement de fond et un autre phénomène dont la réalité est chaque jour un peu plus tangible : je veux évidemment parler du changement climatique.

Ce parallèle vous apparaît peut-être audacieux.

Pourtant, ces deux phénomènes monteront en puissance dans les années à venir et modifieront profondément nos environnements et notre société à l’horizon 2050, avec de forts impacts dès 2030.

Pour l’un comme pour l’autre, nous devons à la fois répondre à l’urgence et apprendre l’exercice difficile de faire des choix, en posant dès aujourd’hui des actes pour un avenir qui est encore lointain.

L’un comme l’autre nous obligent à revoir dès maintenant nos modèles sociaux et nos modèles économiques, nos comportements individuels et collectifs.

Il n’y a qu’à considérer le seul plan des métiers : vous le savez, Myriam EL KHOMRI m’a remis il y a un mois le rapport crucial que je lui avais demandé sur l’attractivité des métiers du grand âge.

Pour répondre aux besoins, il nous faudra doubler très rapidement le nombre d’aides-soignants et d’accompagnants à domicile entrant en formation, alors même que les jeunes se projettent de moins en moins dans ces filières. Il y a là une impasse criante, que nous ne résoudrons qu’en transformant les métiers et les organisations. Il faut donner envie de s’y engager ; car sans ces professionnels, nous irons ensemble dans le mur.

Longévité, modification du climat : voici pour moi les deux grands défis auxquels notre génération doit faire face.

Le dire n’est rien : encore faut-il savoir comment y faire face.

J’en viens donc au chemin qui s’ouvre devant nous. Car je ne veux pas passer à côté de l’occasion qui m’est donnée ce matin de vous faire part de la vision que je défends et que je veux proposer.

Cette vision, elle s’inscrit dans la continuité d’efforts très importants, déjà engagés depuis 2017 :
- je pense notamment à l’investissement massif des ARS pour augmenter la présence des personnels dans les EHPAD les moins bien dotés, qui se poursuivra en 2020 et en 2021 sans perte pour les autres EHPAD ; ou encore aux mesures annoncées pour le pouvoir d’achat et la formation des aides-soignants, avec la généralisation de la prime « assistants de soins en gérontologie » en 2020 ;

- je pense à tous les travaux engagées entre la CNSA et les conseils départementaux pour renforcer les priorités locales du grand âge, ou encore aux engagements déjà pris pour l’habitat inclusif ;
- je pense enfin à la stratégie « agir pour les aidants », présentée le 23 octobre dernier et dotée de 400M€ pour la période 2020 – 2022.

Cette vision pour l’avenir, c’est que nous devons construire l’offre qui permettra de garantir la dignité de nos aînés en leur laissant le libre-choix de leurs lieux de vie.

Vous tous, qui œuvrez au quotidien au plus près de nos concitoyens, vous connaissez leurs souhaits, leurs choix. La majorité d’entre eux veulent rester chez eux pour y vivre jusqu’au bout leur vie.

Ce que cela signifie, c’est que le secteur de l’accompagnement à domicile va devoir absorber une grande partie du choc démographique à venir.

Et dès maintenant, les attentes sont extrêmement fortes.

De la part des aînés et de leurs aidants, qui n’en peuvent plus du parcours du combattant qui est trop souvent le leur, et qui attendent des évolutions très concrètes : une vraie coordination entre l’accompagnement et le soin pour répondre aux besoins de manière graduée et intégrée, une limitation du nombre d’intervenants, une garantie de service, même dans les territoires ruraux.

Du côté des professionnels, les attentes sont aussi extrêmement fortes : le rapport de Myriam EL KHOMRI a montré à quel point une nouvelle organisation du travail était clé pour transformer les métiers, donner envie aux jeunes de s’y engager et limiter le turnover.

Avec des horaires d’intervention moins courts, des trajets plus rationnels, des temps de coordination garantis. Avec une attention portée à la prévention de la sinistralité très forte du secteur. Avec une mutualisation bien plus forte qu’actuellement, entre services à domicile, de certaines fonctions clés : je pense au recrutement et à la formation ; je pense aussi à la logistique, aux véhicules.

Ce que nous avons à construire, c’est une société dans laquelle un maintien à domicile serein, en tout cas le plus serein possible, ne sera pas réservé aux plus aisés de nos concitoyens.

Ce que nous avons à construire, c’est le socle d’un service public du maintien à domicile, avec pour garant le conseil départemental.

C’est le projet que je vous propose de porter avec vous : nous avons jusqu’à 2025 pour être au rendez-vous de la démographie.

Si je dis « nous », c’est parce que les conseils départementaux, l’Etat et l’assurance maladie ont chacun un bout du problème et un bout de la solution.

Nous devons pouvoir aller vers une offre intégrée mobilisant à la fois l’aide humaine et le soin. C’est le sens de l’histoire, nous le savons tous.

Pour cela, je veux permettre aux acteurs locaux de se mettre d’accord pour déployer plus vite et plus facilement des modèles intégrés comme les SPASAD. Il y a des verrous à faire sauter, nous y travaillons.

D’autres leviers seront mobilisés, toujours dans le même esprit : donner les clés aux responsables locaux pour organiser ensemble un service public du maintien à domicile.

L’Etat prendra sa part. Mais les conseils départementaux seront bien en première ligne – et je reviendrai sur ce point.

Si la plupart de nos aînés veulent rester à domicile, ce n’est pas le cas de tous. Chaque personne se projette différemment dans le grand âge.

Nous devons impérativement diversifier les lieux d’accueil, et les initiatives foisonnent aujourd’hui pour créer des lieux qui répondent à la diversité des choix :

• vivre dans de petites unités de vie avec des services à domicile en permanence ;

• vivre en collocations intergénérationnelles ;

• vivre dans une famille accueillante agréée…

Nous devons promouvoir au maximum ces initiatives qui doivent mailler tout le territoire.

Là encore, le conseil départemental est en première ligne. Et là encore, notre ambition est de créer les conditions du déploiement local, en faisant sauter certains verrous. C’est le sens de la mission confiée à Denis PIVETEAU et dont vous a parlé Sophie CLUZEL.

Comme elle, j’attends énormément de cette mission.

Il nous faut aussi inventer l’établissement de demain, pour les personnes qui seront les moins autonomes.

Réussir le virage domiciliaire ne veut pas dire que les EHPAD n’auront plus leur place. Mais cela veut très certainement dire que les EHPAD accueilleront des personnes de moins en moins autonomes.

Nous devons regarder en face cette réalité, qui a plusieurs implications :

- D’abord, il nous faut augmenter le niveau de présence auprès des résidents, c’est une évidence. L’un de mes objectifs constants est de viser une augmentation de 25% du taux d’encadrement dans les EHPAD, au bénéfice des résidents comme des professionnels.
- Pour cela, il nous faudra sauter le pas d’une simplification tarifaire et donner de la souplesse aux gestionnaires, j’en suis convaincue. La distinction qui existe aujourd’hui entre le soin et la dépendance aura de moins en moins de sens, avec l’augmentation des besoins de soins. Elle est déjà largement artificielle aujourd’hui et conduit à des coûts d’administration, tant pour les départements que pour les ARS, dont nous n’avons plus les moyens collectivement. C’est pourquoi je suis favorable à une fusion de ces deux sections dans le cadre de la réforme à venir.
- Enfin, troisième implication : il faut repenser les lieux eux-mêmes et c’est tout le sens du grand plan d’investissement qui sera lancé dès 2020.

A ce titre, je voudrais vous faire part d’un souhait qui m’est cher : celui de créer un laboratoire pour réfléchir aux grandes lignes de ce que doit être l’établissement de demain, parce que c’est une question essentielle, une question qui en appelle beaucoup d’autres.

Comment faire pour que les personnes se sentent chez elles en établissement ? Comment proposer des petites unités de vie, plus humaines ?

Comment faire face au réchauffement climatique, car les établissements construits aujourd’hui devront être adaptés aux conditions environnementales de demain ?

Comment penser l’habitat des personnes qui font face à des troubles de plus en plus importants ?

Ce laboratoire de l’établissement de demain, je veux qu’il réunisse des personnes issues d’horizons différents : des conseils départementaux, des designers, des architectes, des soignants, des personnes âgées, des proches aidants.

L’objectif, pour les acteurs locaux qui investissent au quotidien pour rénover les établissements, c’est de pouvoir accéder à des ressources, à des grandes lignes, à des idées. C’est d’éviter de réinventer dans un territoire ce qui a fait ses preuves dans celui d’à côté.

Bien entendu, cette transformation progressive de l’offre d’accompagnement n’est pas exclusive d’une autre priorité : celle de passer un cap en matière de prévention, de détection des fragilités et de recherche.

C’est un point auquel je suis particulièrement attentive. D’ici quelques jours, je présenterai nos axes de travail sur ce sujet, avec Marie-Anne MONTCHAMP à mes côtés.

2. La condition de réussite absolue de toutes les ambitions que je viens d’évoquer, c’est évidemment un partenariat renouvelé, renforcé, avec les conseils départementaux. Permettez-moi d’en dire quelques mots.

Vous le savez, la responsabilité de la politique du grand âge est aujourd’hui très largement partagée.

Pour ne pas entrer dans un inventaire à la Prévert des compétences, je me contenterai de rappeler quelques ordres de grandeur très éclairants sur la force de frappe combinée de la puissance publique.

Aujourd’hui, 80% des dépenses associées à la perte d’autonomie liée à l’âge sont prises en charge par la collectivité, à différents niveaux.

- 99% des dépenses de soins, sont prises en charge par l’assurance maladie ;

- près de 80 % des dépenses dites de « dépendance » sont assurées par les conseils départementaux, grâce à l’allocation personnalisée d’autonomie, et par l’Etat, grâce aux dispositifs fiscaux et sociaux ;

- enfin, 50% des dépenses d’hébergement en établissement sont prises en charge par l’Etat, à travers les aides fiscales et les aides au logement, et par les conseils départementaux par l’aide sociale à l’hébergement.

Conseils départementaux, Etat, assurance maladie : nous avons construit progressivement un équilibre, qui peut paraître complexe mais qui est nécessaire.

Il est nécessaire car il reflète la diversité des besoins de nos aînés : besoins de soins ; besoins d’accompagnement dans les actes de la vie quotidienne ; besoins de soutien pour financer un hébergement.

Cet équilibre est notre force. Notre point d’appui.

Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas des améliorations à apporter au système. Je souhaite que nous avancions très vite, avec les représentants des conseils départementaux, dans trois directions.

D’abord, pour construire des coopérations renforcées au niveau local. Je le répète : nous avons chacun un bout de la solution, et nous n’avons donc pas le choix.

Des initiatives formidables existent dans nombre de régions et de départements : certaines seront présentées aujourd’hui, et je me réjouis à nouveau du thème de la journée d’aujourd’hui.

Dans les semaines à venir, je souhaite que nous choisissions ensemble le meilleur moyen de capitaliser sur ces initiatives, pour renforcer encore la coopération.

Devons-nous élargir et renforcer les compétences des conférences des financeurs, qui mettent déjà tout le monde autour de la table et qui fonctionnent souvent formidablement bien ? En d’autres termes, devons-nous en faire les véritables instances de gouvernance départementales du grand âge ?

Devons-nous privilégier un partenariat nouveau entre les agences régionales de santé et les conseils départementaux, avec le soutien de la CNSA, dans la continuité des travaux menés par la caisse dans les derniers mois ? Est-ce le meilleur moyen de coopérer pour construire ensemble le socle de services à domicile intégré que j’évoquais précédemment ?

Tout est ouvert, mais une chose est certaine : il faut aller plus loin dans la coopération.

Deuxième direction : faire bouger certains curseurs, pour introduire de la souplesse.

Vous êtes très nombreux à le dire, et la concertation sur le grand âge et l’autonomie s’en est fait l’écho : le pilotage de certaines structures est parfois trop complexe. Sur certains points, nous devrons faire bouger les curseurs.

J’ai déjà parlé des EHPAD et de la fusion des sections. D’autres sujets pourront évidemment être ouverts : je pense par exemple à la gouvernance des services à domicile intégrant le soin et l’accompagnement.

Troisième et dernière direction : renforcer la lisibilité de l’offre pour les aînés et leurs aidants.

J’espère que vous me pardonnerez d’utiliser cette image simpliste, mais la gouvernance partagée, la coopération renforcée, c’est l’arrière-cuisine.

Nos concitoyens, eux, doivent y voir très clair, et savoir qui est leur interlocuteur. Et leur interlocuteur, c’est le conseil départemental. Ce point ne fait aucun doute dans mon esprit.

Lorsqu’une personne prend de l’âge et se pose des questions, elle doit pouvoir se tourner vers le conseil départemental. Lorsqu’un proche aidant se pose des questions, c’est auprès du conseil départemental qu’elle doit trouver des réponses.

Ce doit être simple, très clair.

C’est parce que le conseil départemental est le garant, pour nos concitoyens, de l’information, de l’orientation et de la disponibilité immédiate d’une offre d’accompagnement, qu’il est véritablement le chef de file de la politique du grand âge au niveau local.

La concertation sur le grand âge et l’autonomie nous a montré à quel point les personnes avaient un besoin de lisibilité en la matière. Ils veulent savoir qui appeler, vers qui se tourner. L’objectif, c’est de favoriser le réflexe « conseil départemental » pour tous les aînés et pour leurs proches aidants.

J’ai missionné la direction interministérielle de la transformation publique pour qu’elle vienne vous voir, qu’elle recueille les pratiques d’un échantillon de conseils départementaux, qu’elle propose un cahier des charges compatible avec les choix d’organisation que vous avez faits.

Elle doit rendre ses propositions en février, et nous définirons ensemble un processus, un calendrier.

*

Mesdames, messieurs,

A n’en pas douter, les mois à venir seront riches de discussion sur le grand âge et l’autonomie.

En tant que ministre en charge de l’accompagnement des personnes âgées, je suis garante d’une ambition nationale.

Je suis là aujourd’hui pour vous dire que l’Etat prendra sa part pour orienter l’action, pour appuyer les dynamiques locales, pour construire avec vous l’offre dont nous avons besoin pour demain.

Je sais que les conseils départementaux seront au rendez-vous. Parce que c’est au cœur de leur mission ; parce que cette mission, ils ont été élus pour la remplir ; parce que le défi de la longévité est un des plus beaux défis qu’il soit donné de relever à des acteurs publics.

Comme tous les grands défis collectifs de long terme, il peut paraître écrasant de responsabilité. Mais nous avons une chance. Celle de pouvoir anticiper, de savoir ce qui nous attend. Il nous reste un peu plus de 10 ans pour être prêt au grand tournant de 2030.

Je vous remercie.

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