Discours d’Olivier Véran – Conclusions du Ségur de la santé

Conclusions du Ségur de la santé – 21 juillet 2020

Seul le prononcé fait foi

Mesdames les ministres,

Madame l’animatrice du Ségur de la santé, Chère Nicole Notat,

Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,

Chers tous,

La remise du rapport de Nicole Notat constitue l’ultime étape du Ségur de la santé, engagé dès le ralentissement d’une épidémie qui a, dois-je le rappeler, très durement frappé la France et qui doit, je le rappelle, continuer à nous mobiliser pleinement.

Je remercie chaleureusement Nicole Notat d’avoir accepté cette mission et de s’être engagée avec beaucoup d’énergie, avec beaucoup de talent dans ce Ségur de la santé.

Les recommandations que vous venez de formuler traduisent à la fois une concertation intense avec l’ensemble des acteurs et des orientations fortes pour notre système de santé. Il nous appartient désormais de les transformer en décisions et en actions.

6 semaines, pour réaliser des accords, c’est un délai très court mais l’urgence nous a paradoxalement permis d’aller plus loin et plus fort. Ces actions, je ne vais pas les égrener ici une à une.

Nous en avons retenu 33, pour la plupart issues de la concertation et des recommandations du rapport de Nicole Notat. A l’issue de cette clôture, il vous sera transmis un dossier détaillant chacune de ces orientations, mais je voudrais avec vous partager l’esprit des conclusions du Ségur et les principales d’entre elles.

Le 25 mai dernier, au lancement du Ségur suite à l’impulsion donnée par le président de la République, les commentateurs prédisaient au mieux un échec, au pire un coup pour rien.

Force est de constater que si les discussions ont été franches, parfois musclées, aucun coup n’a été échangé, personne n’est dans les cordes et je crois que tout le monde sort gagnant de ce Ségur.

Si l’heure n’est plus à un discours de la méthode mais bien à une conclusion, ou plutôt à des conclusions, je rappellerai simplement quelques chiffres, qui nous disent quelque chose du chemin parcouru :

  • Plus de 100 réunions d’échanges et de concertations au ministère en 50 jours ;
  • Près de 200 contributions écrites reçues et toutes analysées ;
  • Plus de 118 000 réponses de professionnels de santé à la grande consultation en ligne en seulement quelques jours ;
  • Plus de 200 réunions organisées dans le cadre des retours d’expériences territoriaux ;
  • Plus d’une quarantaine d’heures de négociations pour aboutir à des accords.

Il fallait écouter les soignants et apporter des réponses concrètes à des attentes qui, pour certaines d’entre elles, étaient déjà anciennes.

Je pense évidemment à la question des rémunérations.

Dans le dialogue, dans la concertation, des sommes sans précédent, 8,2 milliards d’euros par an, ont été mises sur la table. Et une méthode a été choisie et nous n’en avons jamais dévié : celle du dialogue social et de la négociation.

La semaine dernière, à Matignon, en présence du Premier ministre, les accords de la santé ont donc été signés, qui apportent aux soignants, dans les hôpitaux, dans les EHPAD, dans les cliniques, des revalorisations très significatives, parce que la feuille de paie a été la première ambition de ce Ségur de la santé.

Mais elle n’a pas été la seule ambition. Non, il ne s’agit pas seulement mettre de l’argent sur la table pour revaloriser les rémunérations des personnels dans les établissements. C’est nécessaire, et nous l’avons fait, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons voulu changer de braquet et accélérer dans tous les domaines de la transformation de notre système de santé.

Je parle d’accélération, parce que si beaucoup de constats ont été renforcés par la crise sanitaire, ces constats ne sont pas nouveaux.

A ce titre, je rappelle que la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui traduit les ambitions de « Ma Santé 2022 », aura un an dans trois jours.

Rendez-vous compte, cette loi n’a même pas un an. Les diagnostics sur lesquels elle s’est construite sont-ils caducs ? Je ne le crois pas. Le Ségur de la santé doit donc être un accélérateur, qui a vocation à engager rapidement les transformations dont notre système de santé a besoin.

Pour mener à bien ces transformations, nous mettons certes de l’argent sur la table, beaucoup d’argent, mais nous renversons aussi des logiques qui ont pu faire perdre aux soignants le sens de ce qu’ils font au quotidien. Car au fond, qu’est que vous nous disiez, qu’est-ce que vous nous avez dit, sur l’hôpital et plus largement sur le système de santé ?

1. Vous nous dites : nous manquons de lits, nous manquons de personnels

Le premier sujet c’est naturellement la rémunération des soignants. Je viens d’en parler, j’ai la conviction que nous avons ensemble franchi des étapes décisives.

Il y a bien sûr aussi l’enjeu tout aussi décisif de notre capacité à attirer et à conserver des médecins à l’hôpital public. Trop souvent, quand on est praticien hospitalier, on peut avoir le sentiment que le choix du service public n’est pas suffisamment reconnu. Cela peut dissuader les jeunes de rejoindre l’hôpital public et les moins jeunes d’y rester.

C’est tout le sens des accords signés concernant les médecins à l’hôpital public.

Par ailleurs, reconnaître pleinement le choix du service public, l’engagement en faveur du service public, c’est aussi être cohérent et ne plus accepter de rémunérer au-delà du raisonnable, voire au-delà de l’entendement, des personnels extérieurs.

En l’espèce, le raisonnable c’est ce qui est prévu pour les autres et les autres, c’est vous. L’intérim médical a donné lieu à trop d’abus, depuis trop longtemps, et nous savons que ces abus minent les équipes.

Le rapport de Nicole Notat préconise, je le cite, de « rendre impossible la rémunération des médecins intérimaires au-delà des conditions réglementaires ».

Dorénavant, nous devons nous fixer un repère qui est tout trouvé et qui s’appelle le plafond réglementaire et nous demanderons aux comptables publics de l’appliquer strictement en bloquant toute rémunération qui dépasserait ce plafond.

Je sais ce que l’arrivée dans un service d’un praticien sur-rémunéré peut engendrer comme amertume et je sais que cela peut littéralement pourrir la vie d’un collectif de soins.

Dans le même esprit, nous allons changer de logique sur la question du capacitaire. Je vais vous parler des lits. J’en parle avec conviction et très directement. Je veux sortir des dogmes et des guerres de positions, qu’il s’agisse de la fermeture systématique des lits ou du refus systématique de toute réorganisation. C’est dans cet esprit que nous mettons fin au Copermo, j’y reviendrai.

C’est aussi dans cet esprit qu’il faut prévoir l’ouverture ou la réouverture de lits dans les structures de médecine en fonction des besoins, besoins qui évoluent selon les pics saisonniers par exemple ou selon des pics exceptionnels d’activité.

Ce qui est la règle pendant 9 mois de l’année n’est pas la règle les 3 autres mois, l’hiver par exemple, et il faut tenir compte de cette variabilité.

Nous allons donc dégager chaque année les moyens pour financer l’ouverture de 4 000 « lits à la demande » que les établissements pourront ouvrir en fonction des besoins.

2. Vous nous dites : le financement n’est plus adapté

Nous savons que nos modes de financement ont pu inciter à la course à l’activité et nous savons ce que cette course a provoqué dans les services hospitaliers, nous savons ce qu’elle a signifié dans le quotidien des soignants.

Cette logique, nous avons commencé à l’inverser, avec la hausse des tarifs, avec les réformes du financement de certains secteurs. Nous allons franchir un nouveau cap, en accélérant la diversification et la simplification des modes de financement des activités hospitalières.

Dans le cadre d’une expérimentation que je veux ambitieuse et rapide, et parce que nous savons tous la difficulté à construire rapidement un modèle global de financement, nous allons faire confiance et proposer aux établissements de santé et aux acteurs de ville, sur un territoire donné, sur plusieurs territoires évidemment, de faire évoluer le financement des activités de médecine vers un modèle mixte, avec un socle de dotation dite « populationnelle », fondée sur les besoins de santé des populations du territoire, socle complété par une prise en compte de l’activité mais aussi de la qualité des soins.

C’est en quelque sorte un droit d’option pour un nouveau type de financement que nous instaurons. Nous allons construire ce nouveau modèle ensemble, et ce sera aux acteurs qui le souhaitent de s’en emparer.

Qui dit financement dit aussi ONDAM. L’ensemble des sommes que l’Etat apporte à la santé dans le cadre du Ségur viendra abonder l’ONDAM qui, vous le verrez, sera très nettement réévalué en 2021. Néanmoins, il pose de nombreuses questions.

Les débats du Ségur de la santé ont montré le besoin d’engager une réflexion sur la rénovation de l’ONDAM pour la décennie à venir.

Au-delà de la question centrale de son niveau, les participants ont notamment soulevé la question de son découpage et de son périmètre, de l’équité de la régulation des dépenses entre les différents secteurs de l’offre de soins, d’une régulation s’appuyant davantage sur les tendances épidémiologiques et les évolutions des prises en charge.

Au fond, l’enjeu, c’est de faire de l’ONDAM l’expression non seulement d’une trajectoire de finances publiques mais aussi et surtout d’une politique de santé. Je saisirai donc le haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) dès les prochaines semaines pour qu’il me remette, d’ici le printemps prochain, des propositions d’évolution de la régulation du système de santé en vue du PLFSS pour 2022.

Enfin le financement, c’est l’investissement. Avec 13 milliards d’euros de reprise de dette et 6 milliards d’euros nouveaux de plan d’investissement, comme annoncé par le Premier ministre, ce sont au total 19 milliards d’euros qui vont être mobilisés pour permettre le financement des investissements utiles.

Une partie très importante doit venir financer les investissements courants. Il n’est pas acceptable de constater que dans les hôpitaux, on n’arrive pas à renouveler les moniteurs, les pousse-seringues, les chariots, les brancards, les lits. Nous mettrons fin à cette situation.

En complément, nous financerons des priorités d’investissement structurelles :

  • 2,1 milliards d’euros seront consacrés aux établissements médico-sociaux. Le secteur médico-social sera un des grands bénéficiaires de notre plan d’investissement.

Les établissements qui accueillent des personnes âgées dépendantes doivent bénéficier de ces investissements pour se moderniser, se rénover et accueillir les résidents dans les meilleures conditions. C’est au moins un quart des places en EHPAD qui pourront ainsi être rénovées, rendus plus confortables, plus accessibles et conformes à la réglementation énergétique.

Nous améliorerons les conditions de travail des personnels avec de l’équipement courant, des rails de transfert, des fauteuils électriques, des capteurs de détection des chutes, des enfile-bas de contention, autant d’exemples concrets qui peuvent changer la donne en établissement, sans même parler du numérique qui doit une bonne fois pour toutes franchir les portes des EHPAD.

Ce signal fort s’inscrit dans le cadre de la réforme sur le grand âge et l’autonomie que nous allons mener avec Brigitte Bourguignon et sur laquelle nous avons déjà commencé de concerter avec les acteurs. C’est un projet immense, c’est une très grande réforme sociale du quinquennat, qui nécessite la mobilisation de tous.

  • Pour l’investissement en santé dans les territoires, bien sûr les projets hospitaliers mais aussi les projets ville-hôpital, nous consacrerons 2,5 milliards d’euros.
  • Enfin, nous investirons massivement dans le numérique, avec 1,4 milliards d’euros sur trois ans, en particulier pour que l’Espace numérique de santé soit une réalité concrète pour les Français dès début 2022.

3. Tout au long du Ségur et même bien avant celui-ci, vous nous avez dit : les décisions viennent d’en haut

Nous allons changer cette logique, à commencer par les investissements. S’agissant du COPERMO, disons-le nettement, il a vécu. Bien sûr, une instance nationale doit exister, mais son rôle et sa composition doivent être tout autres.

Le conseil national de l’investissement en santé, qui associera des représentants des élus, devra désormais définir les priorités nationales, se situer dans l’accompagnement des projets, répartir les enveloppes d’investissement et se prononcer uniquement sur les projets qui bénéficient à 100 % d’aides ou qui dépassent 100 millions d’euros hors taxe.

Pour le reste, le rapport de Nicole Notat nous invite à déconcentrer la gestion des investissements, à territorialiser et à décloisonner les projets. Nous n’allons pas faire autre chose. Nous allons à la fois considérablement augmenter notre investissement dans la santé, j’y reviendrai, et déconcentrer largement les décisions d’investissement.

Nous voulons que dorénavant les territoires soient aux commandes, Chère Jacqueline Gourault, en associant étroitement les élus régionaux, départementaux, intercommunaux et les Maires, à l’appréciation des besoins en santé et aux décisions d’investissement.

Nous en posons ici les premiers jalons, mais sur toutes les mesures qui concernent particulièrement les territoires, des concertations approfondies avec les élus auront lieu dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.

Les Agences régionales de santé seront renforcées au niveau départemental et leur lien avec les élus locaux seront plus étroits qu’ils ne l’ont été dans le passé. Un maire, un conseiller départemental doit se sentir chez lui lorsqu’il franchit les portes d’une agence régionale de santé.

Mettre les territoires aux commandes, ça n’est pas une expression dans un discours, c’est une organisation nouvelle, qui s’appuiera sur des conférences territoriales d’investissement en santé.

C’est un vrai changement de paradigme et c’est un vrai un changement de dimension.

4. Vous nous dites aussi : il y a trop de cloisonnement, entre ville et hôpital, entre sanitaire et médico-social

Les six milliards d’euros d’investissements nouveaux que je viens d’évoquer devront s’inscrire dans une logique de décloisonnement.

Vous ne m’en voudrez pas de rappeler que l’exercice mixte et le décloisonnement ont été en quelque sorte la pierre angulaire de Ma santé 2022.

Là encore, nous devons accélérer et permettre plus simplement aux médecins libéraux d’aller travailler à l’hôpital et aux praticiens hospitaliers d’avoir un exercice ambulatoire, notamment dans les zones sous-denses.

L’exercice mixte, le décloisonnement, la possibilité laissée aux médecins de passer d’un couloir à un autre, cela signifie précisément la fin des couloirs et le temps n’est plus aux incantations mais à la mise en œuvre.

La mixité d’exercice et la pluridisciplinarité sont aussi des réponses au mur démographique qui se présente devant nous.

La bonne coordination entre la ville, l’hôpital et les établissements médico-sociaux est un impératif catégorique et je souhaite confier une mission à trois directeurs d’établissements, un établissement public de santé, un établissement privé à but non lucratif et un établissement privé lucratif, pour que l’on fasse tomber les murs et les silos.

Il le faut pour le bon fonctionnement de notre système de santé et particulièrement pour la prise en charge des personnes âgées, parce qu’il n’est plus possible que les urgences soient le lieu d’accueil des personnes âgées. C’est pourtant une réalité et c’est une aberration.

Nous devons pérenniser les initiatives nées sur les territoires pendant la crise sanitaire, d’entraide entre les hôpitaux, la ville et les établissements médico-sociaux, comme par exemple les astreintes sanitaires au bénéfice des établissements qui hébergent des personnes âgées.

Je crois aussi profondément au modèle de l’hospitalisation à domicile, sur lequel nous devrons nous appuyer bien davantage.

Le Ségur de la Santé, c’est aussi pour les personnes en situation de handicap et leurs proches aidants un marqueur fort de correction de l’inégalité d’accès au système de santé.

Tout d’abord en travaillant aux mesures de soutien pour l’accès à un médecin traitant, ensuite pour construire des parcours de santé dans le droit commun, en permettant aux établissements médico sociaux de partager l’expertise sur les handicaps avec les professionnels de ville et les hospitaliers.

Nous y avons travaillé main dans la main avec Sophie Cluzel pour poursuivre les travaux engagés avant la crise.

5. Vous nous dites : nos carrières sont figées

Figées, les carrières le sont un peu, c’est vrai, ou disons qu’elles pourraient connaître davantage de mouvements. Mais elles sont aussi devenues de plus en plus difficiles d’accès.

Avec Frédérique Vidal et en concertation avec les Régions, nous allons donc augmenter de 10% les places en IFSI, soit 2000 places supplémentaires et nous allons multiplier par deux les entrées en formation d’aides-soignantes d’ici 2025.

S’agissant du déroulement des carrières, il faut à l’évidence le rendre plus dynamique. Comme dans tout autre métier, des perspectives d’évolution doivent exister.

Nous allons accélérer le déploiement des infirmiers en pratiques avancées (IPA) généralistes de premiers recours, avec pour objectif 3000 IPA formés d’ici 2022. Si des avancées substantielles ont déjà été enregistrées, il faut aller plus loin et je veux engager une réflexion sur une nouvelle profession médicale intermédiaire en milieu hospitalier, sous la responsabilité d’un médecin. Je vais donc confier aux ordres professionnels une mission de réflexion sur ce sujet.

Beaucoup d’entre vous exercent aujourd’hui des missions au-delà du soin, et je pense évidemment à l’accueil et à l’accompagnement de nos futurs confrères, à l’enseignement ou encore à la recherche.

Il nous faut aujourd’hui reconnaître cet engagement et permettre davantage d’accès au statut d’enseignant universitaire associé. Pour les praticiens hospitaliers, pour les médecins de ville, pour les professionnels paramédicaux, c’est une reconnaissance statutaire et parfaitement légitime de ce que vous faites quotidiennement en encadrant les plus jeunes.

Sur ce sujet, Chère Frédérique, nous allons mener avec les universités la concertation permettant de concrétiser cette avancée.

6. Vous nous dites : la vie des établissements, leur gouvernance, est trop opaque, elle manque de démocratie interne

Les excès de la loi HPST seront corrigés.

Chaque établissement de santé doit pouvoir, dorénavant, mettre en œuvre des organisations internes et des gouvernances adaptées à son contexte local, comme le propose le rapport commandé par Agnès Buzyn au Professeur Claris et que celui-ci m’a remis au mois de juin.

Il s’agit à la fois de redonner sa place au service, de lui confier de véritables leviers d’action et d’avoir une gouvernance davantage participative. La nomination des chefs de services se fera après un appel à candidatures et chaque candidat devra présenter son projet devant l’ensemble des personnels du service.

La décision et la participation « au plus près », la confiance aux acteurs de terrain, voilà l’esprit de ce que nous allons faire, en systématisant par exemple, dans chaque établissement, des délégations de gestion accordées aux pôles et aux services.

Changer les modes de décision et de participation, c’est également mieux associer les soignants et les usagers aux décisions dans les établissements.

La re-médicalisation de la gouvernance sera entreprise en suivant les recommandations du rapport du Professeur Claris. Et la place des personnels paramédicaux et des représentants des usagers dans les instances de gouvernance, directoire en particulier, sera largement reconnue.

7. Vous nous dites : il y a trop de normes, trop de complexité

Dans ce grand effort de modernisation et de rénovation, nous allons lever bon nombre de contraintes, nous allons alléger les procédures, parce que la crise a révélé que face à l’imprévisible, quand la force des choses supplante la lourdeur des textes, l’action est bien plus efficace.

L’organisation interne et la gouvernance des établissements doivent pouvoir s’adapter à des situations locales spécifiques et à des projets propres à chaque territoire.

Nous allons donc donner un droit d’option aux établissements pour qu’ils puissent s’organiser librement, dès lors qu’il y a un consensus local, et même si le code de la santé publique prévoit autre chose : si un établissement veut organiser son directoire ou sa CME différemment, si un établissement veut que les pôles soient tout ou partie optionnels, alors il n’y a pas de raison qu’on ne lui fasse pas confiance et qu’il ne puisse pas le faire.

La commande publique, nous savons que pour bon nombre d’établissements, elle est vécue comme un poids et en matière de complexité, la crise a montré qu’un travail devait être mené parce que si les règles sont souvent indispensables, elles ne doivent pas décourager l’action et anéantir notre capacité d’adaptation.

8. Vous nous dites : certains soins, certaines pratiques, manquent de pertinence

La pertinence des soins, on en parle depuis de nombreuses années. La rémunération sur objectifs de santé publique a montré certaines vertus et les médecins généralistes qui s’étaient montrés réticents il y a 10 ans, reconnaissent aujourd’hui que c’est un levier efficace de sécurité et de qualité des soins.

Je souhaite donc étendre, en concertation et en négociation avec les médecins spécialistes, cette philosophie à d’autres spécialités.

Ces mesures nous permettront de nous engager ensemble dans un nouvel acte de la pertinence des soins et je sais que cette aspiration fait l’objet d’un très large consensus.

9. Vous nous dites : l’hôpital n’a pas pris le virage du développement durable

A l’image de la société tout entière, c’est une aspiration qui grandit à l’hôpital et les jeunes soignants sont les premiers à militer en faveur de pratiques plus vertueuses sur le plan environnemental : alimentation avec des circuits courts, meilleure gestion des déchets, moins de gaspillage à tous les étages…

Ce sont des mesures qui semblent symboliques mais qui ne le sont pas tant que ça et nous allons encourager partout les bonnes pratiques.

L’une des grandes priorités, qui n’est pas la seule mais qui nous préoccupe tous, c’est la rénovation des bâtiments, parce que les passoires énergétiques, il y en a beaucoup dans les établissements de santé et médico-sociaux.

C’est l’un des grands axes de notre plan d’investissement, qui doit permettre à nos établissements d’opérer cette transition énergétique et écologique dont chacun mesure un peu plus chaque jour l’urgence. Nous pourrons aussi nous appuyer sur le plan de relance pour la rénovation énergétique et thermique des bâtiments.

10. Vous nous dites : la démocratie sanitaire n’a pas suffisamment évolué depuis la loi du 4 mars 2002

Nous allons renforcer les Conférences régionales de santé et de l’autonomie (CRSA) pour mieux garantir l’exercice de la démocratie sanitaire.

Les CRSA vont devenir de véritables « parlements de la santé » en région. Elles auront notamment pour mission d’encourager les initiatives territoriales visant à engager les usagers et leurs représentants à l’amélioration continue de la qualité, la sécurité, la pertinence des soins et de l’accompagnement médico-social.

11. Vous nous dites : l’accès aux soins a paradoxalement été renforcé pendant le Covid

La crise sanitaire est riche d’enseignements, puisqu’elle a montré, si quelqu’un en doutait, que la médecine de ville jouait un rôle crucial dans la télésanté et l’accès aux soins non programmés.

S’agissant de la télésanté, nous avons fait un pas de géant pendant la crise, en prenant un certain nombre de dérogations. Et nous avons eu une explosion de la télémédecine sans avoir une dérégulation à tous crins. C’est pourquoi j’ai, par décret, prolongé l’essentiel de ces dérogations.

Et je souhaite que les partenaires conventionnels s’en emparent, dans toutes ses dimensions, notamment la télé-expertise et la télésurveillance, pour que la télésanté continue son essor au service des Français. Pour ce qui concerne l’Etat, nous continuerons à prendre en charge à 100 % les consultations en télémédecine, au moins le temps nécessaire à son développement.

S’agissant de l’accès aux soins non programmés, nous le savions, l’idée selon laquelle des équipes de soins primaires et spécialisés peuvent exercer cette mission est plus pertinente que jamais.

Les CPTS, les MSP, les centres de santé, tous ces collectifs de soins seront incités à prendre en charge des patients dans le cadre des soins non programmés.

Là encore, le constat n’est pas nouveau selon lequel des équipes de soins coordonnées doivent apporter cette offre de proximité. Je souhaite que nous favorisions et valorisions l’exercice coordonné, en ville, sous toutes ses formes et dans toute sa diversité.

Aujourd’hui, nous devons aussi accélérer la mise en œuvre du service d’accès aux soins (SAS), pour réguler les appels et orienter les patients vers des structures adaptées : nous allons dans les six mois développer la plateforme digitale unique pour le patient, en partenariat entre la médecine de ville et les SAMU, et nous allons lancer des expérimentations territoriales pour que des services d’accès aux soins pilotes puissent voir le jour dans les territoires dans lesquels les acteurs sont volontaires et prêts.

Sur ces différents sujets, télésanté, exercice coordonné, accès aux soins non programmés, ainsi que sur le développement de la qualité et de la pertinence des soins pour les médecins spécialistes, nous ferons confiance au dialogue social, comme nous l’avons fait avec les accords du Ségur.

C’est donc à la CNAM de lancer des négociations avec les partenaires conventionnels pour un ou des avenants conventionnels, qui doivent être négociés – et je l’espère signés ! – rapidement, afin qu’il produise leurs premiers effets dans les prochains mois.

12. Vous nous dites : le Covid a révélé, encore plus qu’elles ne l’étaient déjà, les inégalités de santé et les problématiques de santé mentale

Nous ne perdons pas de vue les défis immenses qui nous restent à relever, les défis dont nous mesurions l’urgence avant la crise sanitaire et qui sont aujourd’hui des priorités absolues.

Ce sont d’abord les inégalités de santé.

Je l’ai déjà dit, et c’est une conviction très forte, les inégalités de santé, ce sont autant de coups de canif dans notre contrat social.

Là encore, nous devrons nous appuyer sur les territoires, en dotant chaque région d’une gouvernance stratégique de réduction des inégalités, avec des élus, des associations, des usagers, qui s’appuieront sur un comité scientifique.

Une gouvernance stratégique, pourquoi une gouvernance stratégique ? Eh bien pour garantir une prise en charge globale, médicale, psychologique, sociale, médico-sociale, en établissements comme en ville et au domicile avec des équipes pluridisciplinaires.

Pour garantir que dans chaque région et dans leurs territoires, les besoins spécifiques de prévention, d’accès aux soins certaines populations sont bien identifiés, que des programmes concertés, pluri annuels, sont mis en œuvre et évalués.

Et ça n’est pas tout : nous allons renforcer les actions des ARS en direction des travailleurs pauvres, nous allons renforcer les 400 permanences d’accès aux soins de santé, qui prennent en charge les patients sans droit dans les hôpitaux et nous allons développer 60 centres de santé « participatifs », avec une offre adaptée aux populations des territoires défavorisés.

Enfin, nous allons développer les démarches d’ « aller vers », pour toucher les populations les plus difficiles à atteindre, car on a vu pendant la crise combien ces démarches étaient indispensables.

Il s’agit concrètement de développer les équipes mobiles pluridisicplinaires, « PASS mobiles », équipes mobiles psychiatrie précarité, qui seront autant d’acteurs qui interviendront pour la santé de personnes en difficultés.

L’ensemble de ces actions, ce sont 100 millions d’euros par an pour lutter contre les inégalités de santé.

Ma conviction en matière de lutte contre les inégalités de santé, c’est qu’il n’y a pas d’un côté le soin, les lits d’hospitalisation, la démographie médicale et de l’autre la prévention, la promotion de la santé, le travail sur les déterminants. Tout ceci est un continuum, et le Ségur doit permettre d’agir à toutes les étapes.

Voilà donc des mesures fortes et concrètes, qui nous aideront à lutter efficacement contre les inégalités de santé.

Parmi les enjeux qui sont apparus avec une acuité nouvelle, il y a le renforcement de l’offre de soutien psychiatrique et psychologique de la population, qui a retenu toute l’attention du rapport de Nicole Notat.

La crise sanitaire a révélé de manière criante la vulnérabilité psychique de nombreux Français et il est indispensable d’insuffler une nouvelle ambition à la feuille de route santé mentale et psychiatrie.

Au-delà des accords sur les rémunérations, qui profiteront évidemment aux professionnels de la psychiatrie, la psychiatrie sera un pilier de notre politique d’investissement, pour renforcer l’offre de soins psychiatriques et psychologiques dans les régions, en fonction des besoins de santé des différents territoires.

Par ailleurs, nous soutiendrons avec une énergie nouvelle les projets territoriaux de santé mentale, qui seront mis en œuvre d’ici la fin de l’année, et en début d’année 2021, nous signerons des contrats territoriaux de santé mentale.

Mesdames, messieurs,

Voilà l’esprit du Ségur de la santé, voilà les grandes orientations qui concernent le quotidien des soignants.

Il s’agit de remettre de l’humain, des moyens et du sens dans notre système de santé. C’est un cap ambitieux, sans rien renier de ce qui a été fait depuis 2017 puisque bien au contraire, nous voulons accélérer la mise en œuvre de mesures qui sont plus que jamais nécessaires.

Le Ségur de la santé prend fin aujourd’hui. Nous avons agi « vite et fort » parce qu’il le fallait. Mais nous avons tracé ensemble des perspectives nouvelles, parce qu’il le fallait aussi.

Bien sûr, en moins de deux mois, tous les sujets n’ont pas pu être traités. Parmi ceux-ci j’en citerai deux, et d’abord l’Outre-mer, qui retient toute notre attention, et j’étais en Guyane il y a dix jours. Il faut que nous menions avec le ministère des Outre-mer une concertation et des actions spécifiques à l’Outre-mer.

Le deuxième sujet, c’est celui d’une santé publique forte pour mieux se préparer et mieux combattre les nouvelles crises qui ne manqueront pas de surgir et qui affecteront la santé des populations.

Tant sur le plan de la formation, de la recherche, de l’éducation à la santé et aux enjeux sanitaires, que de l’organisation d’une santé publique opérationnelle.

Nous devons nous fixer des objectifs ambitieux et concrets d’amélioration de la santé. J’en citerai un seul qui me tient à cœur : la santé des enfants.

Il y a énormément à faire en la matière, Adrien Taquet qui y a beaucoup travaillé dans le cadre des « 1000 jours » le sait mieux que quiconque. Je pense notamment mais pas seulement à la pédopsychiatrie. Sur ce sujet comme sur quelques autres objectifs majeurs, je souhaite qu’à l’automne nous y travaillons ardemment et collectivement, dans ce qui pourrait être un « Ségur de la santé publique ».

Mais revenons à ce Ségur de la santé. Je vous en ai livré les conclusions. Reste l’exécution, car il faut traduire ces conclusions en résultats concrets, sur le terrain, dans vos services, dans vos cabinets, dans vos établissements médico-sociaux, partout où vous exercez.

Vous pouvez compter sur mon énergie et ma détermination : dès demain, nous lancerons en concertation avec vous la préparation des textes, législatifs et réglementaires, des financements, et l’ensemble des réflexions qu’il faut poursuivre. Nous avons besoin de concerter, de concerter et de concerter, avec les élus et avec les soignants.

Si 50 jours nous ont permis de bâtir les fondations, nous devons désormais prendre le temps de poursuivre la concertation, pour que ces mesures soient les plus opérationnelles et les plus efficaces possibles.

Un comité de suivi, qui vous associera, sera mis en place, pour s’en assurer. Et nous publierons très régulièrement un point sur l’état d’avancement et sur les résultats des conclusions du Ségur.

Les changements se verront, progressivement, mais ils se verront et surtout, ils se vivront. C’est indispensable.

Je serai très attentif à ce que le Ségur s’incarne demain dans tous les territoires parce que si tel n’est pas le cas, je vous le dis comme je le pense, le Ségur n’aura servi à rien.

Nous avons, vous avez, toutes les clés en main pour que les conclusions du Ségur de la santé s’incarnent demain dans le quotidien des soignants et dans la vie des Français.

Je vous remercie.

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