Discours d’Olivier Véran – SANTEXPO

Monsieur le Président, Cher Frédéric,

Mesdames, messieurs,

Chers confrères, chers tous,

Je suis très heureux de vous retrouver, pour cet événement incontournable de nos politiques de santé et je remercie la Fédération hospitalière de France de me permettre d’adresser un certain nombre de messages aux hospitaliers.

Presque deux ans après le début d’une crise sanitaire qui a mis le monde entier au pied du mur, ce rendez-vous revêt un sens particulier, et je sais que vous avez choisi de le placer sous le patronage de deux valeurs magnifiquement incarnées par les hospitaliers : la résilience et l’engagement.

Je n’ai pas eu besoin d’affronter avec vous une crise sanitaire historique pour connaître l’engagement des soignants, je n’ai pas eu besoin de franchir les portes du ministère de la santé pour mesurer ce que signifie porter la blouse blanche.

À chaque étape de cette crise, l’hôpital a montré sa solidité et les hospitaliers ont tenu le cap, dans des conditions proprement hors norme.

Il y a des images qui construisent l’imaginaire de générations entières, et je pense là aux générations qui ont grandi dans le respect des hussards noirs de la République, ces instituteurs intransigeants et dévoués, qui inculquaient les savoirs et les valeurs.

Il faut croire que de nouvelles images s’imposent puisque chaque semaine, dans nos villes et dans nos campagnes, les Français ont applaudi les hussards blancs de la République ; ils ont applaudi celles et ceux qui, en première ligne, ont accompagné, soigné et sauvé, parfois au prix de leur vie.

Les Français n’oublieront pas ce qu’ils vous doivent et ce que vous avez fait depuis deux ans est proprement exceptionnel. Vous avez été les piliers de la Nation.

Je le dis sans grandiloquence mais je le dis, parce que ne pas le dire serait avoir la mémoire courte et mal comprendre, aussi, la situation qui est celle aujourd’hui de l’hôpital et tout particulièrement de l’hôpital public.

Cette situation, je le dis sans détour, elle est compliquée : je le sais, je ne l’esquive pas, je ne l’élude pas, il faut regarder les choses en face.

Et d’ailleurs, si je vous disais que « tout va bien », personne ne me croirait. Mais c’est parce que nous partageons ce discours de lucidité que nous ne disons pas non plus que « tout va mal ».

L’actualité récente sur les tentatives de décompte des lits fermés le prouve : l’hôpital public souffre toujours. Certains, d’une manière pas très scientifique, ont évoqué 20% des lits fermés à l’hôpital, l’enquête de la FHF révélé ce week-end fait état de 6%, ces données me paraissent plus conformes avec celles dont je dispose aussi.

Vous le savez bien, le décompte des lits n’est pas un sujet simple à l’hôpital, puisqu’il évolue quotidiennement en fonction des professionnels disponibles, de l’activité d’un service, d’une prise en charge infectieuse etc. … La réalité aujourd’hui, c’est une situation qui n’est pas bonne mais qui n’est pas catastrophique non plus : si on prend par exemple la remontée de 15 CHU, en médecine, on avait 12 323 lits ouverts en 2019, on en a 12 245 actuellement.

Cette situation, elle est aussi compliquée car nous cumulons une épidémie de Covid, pour laquelle il ne faut pas baisser la garde, et les virus hivernaux connaissent une forte dynamique épidémique, notamment la bronchiolite.

Compte tenu de cette situation, et au-delà des solutions structurelles sur lesquelles je reviendrai, nous devons nous mobiliser collectivement avec des réponses immédiates, en capacité de produire des résultats pour les prochaines semaines.

D’abord, objectiver la situation. J’ai souhaité que l’on mette en oeuvre une enquête sur les tensions RH et le capacitaire dans les établissements de santé. Nous aurons les résultats fin novembre et je les publierai en toute transparence.

Ensuite, maintenir et renforcer ce qui a permis aux hospitaliers de tenir jusqu’à présent, en prolongeant les majorations des heures supplémentaires et du temps de travail additionnel (TTA) jusqu’en janvier 2022, de même que les dispositions relatives au cumul emploi retraite.

J’ai bien conscience que ces leviers reviennent à en demander encore aux hospitaliers qui sont mobilisés depuis des mois, à qui l’on va demander un effort supplémentaire pour tenir la période hivernale. J’ai aussi décidé d’ajuster à compter de cette semaine les rémunérations dans les centres de vaccination. Cela devrait permettre à des soignants qui y exerçaient de venir davantage en renfort à l’hôpital.

Enfin, assurer une mobilisation collective, chacun devant prendre sa part, a fortiori dans une période compliquée.

Nous sommes particulièrement attentifs, à vos côtés, aux tensions sur les services d’urgence, de pédiatrie et les maternités. J’ai demandé aux ARS d’être extrêmement mobilisées pour vous accompagner pendant cette période difficile, en activant leurs cellules territoriales de suivi et en mobilisant toute la solidarité territoriale nécessaire.

Il est nécessaire de s’assurer que tous les leviers internes aux établissements ont été activés. L’hôpital public assure une part très importante de la permanence des soins et c’est normal, c’est l’une de ses missions socles au service de la population.

Mais les établissements privés et les libéraux doivent également prendre toute leur part. J’ai demandé aux ARS d’anticiper avec l’ordre des médecins l’organisation de la PDSA sur la fin de l’année ainsi que la PDSES des établissements privés et j’y veillerai tout particulièrement, pour que chacun soit mobilisé.

C’est collectivement que nous tiendrons dans les semaines qui arrivent, avec une situation sanitaire où le Covid est encore et toujours présent et où les virus hivernaux n’ont évidemment pas disparu.

Et pour que tout le monde soit concentré à la tâche, et parce qu’il faut dissiper toute inquiétude sur le fait que l’État est et sera à vos côtés, j’ai annoncé hier au Sénat le dépôt d’un amendement gouvernemental qui relèvera de près de 1,7 milliards d’euros l’ONDAM 2021, notamment hospitalier, pour garantir la prise en charge de l’intégralité des coûts induits par le Covid. Je pense que c’est de nature à vous rassurer et à vous donner toute la prévisibilité que vous étiez en droit d’attendre.

À court terme, il n’y a pas de baguette magique, et celles et ceux qui se lamentent sur la situation de l’hôpital aujourd’hui sont souvent ceux qui n’ont pas agi hier. Nous nous avons agi, et fortement, mais nous devons avoir la lucidité collective de reconnaître que nous en recueillerons les fruits demain et qu’aujourd’hui, nous devons tenir.

Quand je dis que nous avons agi, je pense bien sûr au Ségur de la santé à l’été 2020.

Le Ségur de la santé, auquel la FHF a activement contribué et je souhaite lui rendre hommage, c’est un engagement sans précédent, avec près de 30 milliards d’euros pour revaloriser ceux qui soignent, réinvestir dans le système de santé, transformer le fonctionnement et la gouvernance des hôpitaux et les collaborations territoriales au service des patients.

Près de 10 milliards d’euros ont été consacré à la revalorisation de ceux qui soignent. Pour tous les agents hospitaliers il y a un avant et après le Ségur, quand on regarde la case en bas à droite de la fiche de paye.

Grâce aux Accords signés avec la FHF et la majorité des organisations syndicales, une infirmière recrutée actuellement à l’hôpital débute sa carrière à plus de 2 000€ nets mensuels (contre 1 736€ avant le Ségur) et atteindra en fin de carrière près de 3 400€ nets mensuels (contre 2 863€ avant le Ségur). C’est une fierté collective, je pense, d’avoir permis cette revalorisation qui atteint, en fin de carrière, plus de 530 euros mensuels.

Il nous faut désormais, il vous faut désormais engager les concertations locales sur les leviers que le Ségur a placés à la main des acteurs, s’agissant de l’engagement collectif, de l’aménagement des organisations de travail et du recrutement des 15 000 soignants. Ces leviers doivent vous permettre d’être en appui des dynamiques locales et de proximité.

Le Ségur de la santé c’est aussi 19 milliards d’euros pour réinvestir dans le système de santé. C’est un engagement historique du Gouvernement en la matière, qui correspond aux crédits d’hôpital 2007 et hôpital 2012 augmentés de 50% ! Avec un changement radical de méthode en matière de pilotage et de concertation sur les investissements en santé.

J’ai débuté il y a quelques semaines une tournée des régions pour présenter les stratégies régionales d’investissement en santé. C’est un tour de France qui nous permet de montrer le signal fort de soutien donné aux hospitaliers et aux professionnels de santé, en particulier dans les territoires. Je ne citerai que deux exemples d’hôpitaux indispensables dans leur bassin de population. Dans le Tarn, à Graulhet, j’ai rencontré les soignants et les médecins de l’hôpital, ceux de la CPTS. Ces gens ont constitué ensemble une dynamique formidable qui a permis de stabiliser et même d’attirer à nouveau des professionnels de santé. Le Ségur permet, par un « petit » projet exemplaire, de faire revenir l’imagerie dans ce territoire, et développer l’offre de consultation et de psychiatrie. On améliore l’offre dans les territoires. Hier, à Gisors, dans l’Eure, nous avons rencontré les équipes battantes d’un petit hôpital, jusque-là fragile, pour lequel toute la population était inquiète de sa capacité à tenir. Avec le Ségur, nous confirmons son rôle dans le territoire, et sa pérennité. 75% des projets du Ségur de la Santé concerne des hôpitaux de taille petite ou moyenne.

Au niveau national, ce sont plus de 3 000 établissements de santé et médico-sociaux partout en France métropolitaine et en Outre-mer qui bénéficieront des crédits du Ségur de la Santé.

Devant une telle assemblée d’hospitaliers, je ne peux pas ne pas évoquer les enjeux de médicalisation de la gouvernance et du fonctionnement interne des hôpitaux. Le rapport CLARIS, qui m’a été remis en juin 2020, a posé les principes des évolutions attendues par les hospitaliers.

La proposition de loi de Stéphanie RIST, adoptée en avril dernier, a permis de vous donner une liberté importante en matière d’organisation interne et de fonctionnement des hôpitaux. Vous avez ces leviers disponibles ! C’est maintenant à vous de lancer dans chaque hôpital les concertations nécessaires pour faire évoluer votre fonctionnement et répondre aux attentes des professionnels.

Dans le contexte actuel, je crois beaucoup à ces leviers. Nos soignants ont retroussé leurs manches pendant la crise, mais ils ont surtout fait preuve d’un engagement et d’une abnégation sans pareil, grâce à un management de proximité, une rapidité et agilité des prises de décisions. Il faut capitaliser sur cela et personne n’acceptera un retour à « l’hôpital d’avant ».

Ces engagements du Ségur de la santé s’inscrivent pleinement dans les orientations portées par le président de la République avec la stratégie Ma Santé 2022 et que j’ai continuées à porter dans la continuité d’Agnès Buzyn. Ce que je veux vous dire, dans cette période si difficile, c’est que le mouvement est lancé, la reconnaissance est là, les projets se matérialisent un peu partout ; ce que je veux vous dire, c’est que l’optimisme est permis.

Pas un optimisme béat, pas un optimisme passif et juvénile ; un optimisme exigeant, un optimisme qui demande de l’énergie et du temps, mais un optimisme quand même, parce que ce quinquennat a vu s’engager des transformations décisives.

L’exercice collectif devient chaque jour un peu plus une réalité, les carrières ont été revalorisées, les champs de compétences des professionnels de santé ont été étendues, le numérique en santé a fait des pas de géant, et surtout, surtout, l’État social est là, plus que jamais, dans le quotidien des Français.

La crise de sens est aussi une crise des temporalités entre le temps court de la détresse et le temps long des transformations, entre le temps court des annonces et le temps long de la mise en oeuvre.

Et au-delà de ces temporalités qui ne s’épousent pas, il y a aussi la lassitude des plans successifs et des grands barnums qui, tous les 6 mois, annoncent des lendemains qui chantent.

Je me découvre conservateur, je veux que « rien ne change pour que tout change », dans un contexte où, depuis des décennies, l’hôpital public a fait l’objet de plans innombrables, qui se sont presque toujours soldés par des échecs.

Je crois que nous tenons avec Ma santé 2022 les bons constats et avec le Ségur de la santé, les bons leviers, les bons moyens pour avancer. Cela demande du temps et je sais combien il est parfois désespérant d’attendre, mais je crois que cela en vaut la peine, parce que oui, « Rome ne s’est pas faite en un jour ».

J’évoquais tout à l’heure les transformations de long terme que nous avons prises pour améliorer l’offre de soins et lutter contre les déserts médicaux comme :

  • La fin du numérus clausus ;
  • Le numérique en santé : plus de soin, plus vite, plus proche des patients et des professionnels de santé ;
  • Les structures de soins coordonnées pour mailler le territoire, stabiliser et attirer les professionnels de santé.

D’abord, nous avons augmenté, puis supprimé le numérus clausus instauré dans les années 70 comme un faux levier de régulation des dépenses de santé et qui est à l’origine de la pénurie dans laquelle nous sommes aujourd’hui avec 4 000 étudiants qui étaient admis en médecine en 70 puis 8 000 entre 2010 et 2015.

Grâce à la suppression du numérus clausus c’est aujourd’hui plus de 10 500 étudiants qui sont admis en 2ème année de médecine.

Malheureusement ça ne se voit pas tout de suite, un médecin ne se forme pas en un an ou deux. Mais nous construisons l’avenir, le long terme. Cette hausse de plus de 15% du nombre de professionnels de santé à former était nécessaire et indispensable pour nos territoires.

La stratégie Ma Santé 2022 plaçait le numérique en santé au coeur des leviers de transformation. La crise Covid a montré que ce n’est plus un gadget, c’est une réelle modalité de prise en charge, qui permet de donner accès aux professionnels de santé.

Nous sommes passés de 10 000 téléconsultations par semaine à 1 million en quelques semaines. Nous avons tout fait pour lever les obstacles inutiles et faciliter le développement de la télésanté.

La téléconsultation par exemple : aujourd’hui il n’est plus demandé que le patient soit connu du médecin avant une téléconsultation ; nous ouvrons la possibilité de déroger en l’absence de médecin traitant.

Troisième axe : développer l’exercice coordonné entre professionnels, que ce soit dans une CPTS, dans une MSP ou dans un centre de santé.

Si nous souhaitons que les territoires puissent lutter contre les déserts médicaux, il est primordial de proposer un exercice qui parle aux professionnels de santé, en particulier aux plus jeunes d’entre nous, et surtout qui les attire.

Aujourd’hui, ce qui intéresse les jeunes c’est de travailler en équipe, autour de structures communes. Ces structures peuvent mutualiser leurs compétences, développer la télé sante, être en lien avec l’hôpital, les acteurs du médicosocial. Et à chaque fois que je visite des structures d’exercice coordonné, je rencontre des professionnels de santé heureux, heureux de travailler ensemble, heureux de ne pas crouler sous les tâches administratives, heureux de se consacrer pleinement à ce qu’ils aiment faire.

Autre levier : l’hôpital de proximité, dont nous stabilisons le financement, pour que leur pérennité soit assurée même dans les territoires où le bassin de population est trop petit pour rentabiliser une telle structure, mais dont le rôle est indispensable. Ces hôpitaux ont au coeur de leurs missions la coordination territoriale avec les CPTS, les EHPAD.

Ce que nous observons c’est que l’ensemble des leviers « CPTS + hôpitaux de proximité + Ségur » permet d’attirer les professionnels de santé et de redynamiser les territoires. Depuis le début du tour des régions dans le cadre du Ségur de santé, c’est ce que j’observe régulièrement.

Aujourd’hui les leviers sont là, ils répondent au besoin et à la diversité des situations, donc notre rôle est d’aider les acteurs à se mobiliser et se saisir des outils que nous leur avons mis à disposition.

Et je pourrai ajouter deux réformes qui je le sais vous tiennent particulièrement à coeur :

  • Le renforcement du contrôle de l’intérim médical adopté lors de la PPL Rist en avril dernier. Dans le contexte actuel j’ai annoncé que les conditions n’étaient pas réunies pour une entrée en vigueur le 27 octobre sans impact majeur sur l’offre de soins. La FHF et les conférences hospitalières se sont engagées à mes côtés pour poursuivre les travaux préparatoires à la mise en oeuvre qui interviendra dès que possible en 2022. Vous pouvez compter sur ma détermination à vos côtés.
  • Les réformes du financement avec l’entrée en vigueur de la réforme du financement de la psychiatrie au 1er janvier 2022. La psychiatrie publique, et la FHF s’en est toujours fait le relai de manière constante, attendait depuis longtemps cette réforme qui va lui permettre enfin un développement à la hauteur du besoin de la population. Cette réforme de financement ne vient pas seule, le président de la République a redonné un formidable élan lors des Assises de la psychiatrie et de la santé mentale.

Voilà ce qu’ensemble nous avons fait pour le système de santé depuis le début du quinquennat, des réformes en profondeur, sur le fond, même si le résultat n’est pas visible immédiatement, mais nous faisons bouger les lignes pour donner des fondations saines à un système de santé que nous reconstruisons ; nous avons effectué le rattrapage historique qu’il fallait faire, nous avons renversé les différentes frontières qui sclérosaient notre système de santé, ville, hôpital, médico-social, mais aussi entre métiers du soin.

Nous écrivons ensemble une nouvelle page de notre système de santé, et même s’il reste beaucoup de travail dans les prochains mois ; compte tenu du contexte, nous sommes sur la bonne voie et je tenais à vous en remercier, du fond du coeur.

Je vous remercie.


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